André ROUMIEUX Les Retournaïres, présentation audio
vendredi 01 juillet 2011
Editions "Les Monédières" 2010
Avec son dernier livre publié LES RETOURNAÏRES, André Roumieux achève un long parcours de vie qui l'aura mené du Lot à la région parisienne puis ramené à son village natal Mayrinhac-Lentour où il savoure une retraite amplement méritée. Pour des raisons que je décrirai à l'occasion, il est devenu un ami avec qui je partage notre expérience commune des soins en psychiatrie. Si je fais le choix de parler de cet homme à travers ses livres, c'est que j'ai conscience que la psychiatrie aux yeux du grand public est l'affaire des médecins psychiatres ou neurologues, qui n'ont d'ailleurs pas vraiment bonne presse du fait qu'on leur reproche leur incapacité à débarrasser la société du personnage légendaire du fou, ou encore de lui réserver un sort de gibier de l'industrie pharmaceutique, sans parler du lâchage que préconisent les nouvelles théories de soins sans hébergement en vogue. Les neurosciences ont supplanté les approches psychanalytiques et de psychothérapie institutionnelle des années 70, mais le malade mental (on dit psychique aujourd'hui) reste à la fois "unique et légion", sa dépendance à un environnement bienveillant et aidant relève d'une solidarité communautaire qui est loin d'être optimum dans le contexte économique actuel. Les soignants de proximité et au long cours sont confrontés aux mêmes problèmes qu'à la création des asiles. Leurs réponses sont toujours celles que leur permet la politique et les dispositifs d'accueil temporaires ou résidentiels. A l'époque d'André Roumieux, au tout début de sa carrière, lieu de vie et lieu de soin n'étaient pas distingués, ce qui explique le véritable déracinement de certaines personnes de leur milieu d'origine du fait de leurs troubles de comportement ou de leurs difficultés mentales graves indésirables en société et en famille. Il a donc assisté à l'ouverture des hôpitaux psychiatriques et aux grandes interrogations sur le devenir de ces populations fragiles confrontés à la vie extérieure et à la nécessité pour une grande majorité d'endosser le statut de personne porteuse d'un handicap très contraignant, les privant parfois de liberté de déambulation et la soumettant à une tutelle médicale et parfois judiciaire de très longue durée.
Comme les soldats, les infirmier(e)s en psychiatrie sont soumis au devoir de réserve et de confidentialité, ce qui les empêche de façon statutaire d'exprimer leur ressenti concernant leurs conditions d'exercice et leur propre vision des soins. Ils subissent donc une sorte de loi de silence qui ne peut être bénéfique qu'en partie. Tout un pan de leur expérience et la compréhension des enjeux humains des soins leur est confisqué. On leur demande d'agir et d'interagir, si possible avec des protocoles et des procédures , ce qui leur évite d'avoir à penser et à critiquer au cas par cas leur propre façon de faire et d'être avec les malades. La difficulté survient lorsqu'il faut persuader ou contraindre un malade à accepter des soins qu'il n'a pas choisis (une injection, une contention, un séjour en chambre d'apaisement...). C'est la grande différence avec les soins somatiques où la notion de consentement éclairé qui est obtenu par le médecin et appliqué sur prescription par l'infirmier ou les autres paramédicaux, peut être plus difficile à vivre en psychiatrie par les protagonistes. Avec le renouveau du sécuritaire en France, le nouvel infirmier doit pouvoir se positionner humainement dans son rapport à la violence de son intervention, au regard du bien-être du malade et du risque d'attenter à sa liberté. Il a donc à partager une éthique du soin qui est rarement évoquée dans sa pratique en équipe au delà de la technicité et de la sécurité des actes. Méconnu du grand public, l'infirmier en psychiatrie est encore le grand lascar qui intimide et empoigne le malade récalcitrant plutôt que de lui parler, dans la réalité, la profession est devenue très féminine, la formation s'est enrichie de connaissances en sciences humaines et techniques de soins plus affinées, les méthodes de soutien ont changé du fait de la personnalisation dans les suivis à l'extérieur, le temps d'hospitalisation complète étant réduit au maximum ( trois semaines en moyenne). L'hôpital qu'a connu André Roumieux n'a plus rien à voir avec celui que je côtoie, et pourtant les fondamentaux du métier n'ont pas changé. Il s'agit de respect, de compassion, d'attention et de disponibilité soutenues dans le temps et l'espace. Il s'agit d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle afin de ne pas perdre pied,ni courage devant l'adversité et la souffrance.
Voici maintenant, pour votre écoute, un premier épisode de la vie d'André ROUMIEUX. La suite sera publiée petit à petit tout l'été au fil de mon humeur...
il vous suffit de cliquer sur ce petit rectangle gris ci-dessous